La gamification du travail selon Emmanuelle Savignac
RessourcesAujourd’hui, les organisations et les entreprises introduisent de plus en plus fréquemment un cadre ludique et des mécanismes de jeu sur le lieu de travail pour remplir divers objectifs de recrutement, de formation, de sensibilisation aux valeurs et à la culture d’entreprise, pour évaluer les performances des employés ou encore lors d’événements d’entreprise comme un team building ou un séminaire.
Mais alors pourquoi ce choix ? Pour expliquer l’intérêt grandissant de l’utilisation de la gamification en entreprise, parlons du travail de recherche d’Emmanuelle Savignac sur le sujet.
Qui est Emmanuelle Savignac ?
Emmanuelle Savignac est une anthropologue française spécialiste des représentations du travail, membre chercheure au centre de recherche sur les liens sociaux (Cerlis) et Maître de conférences à l’Université de la Sorbonne Nouvelle à Paris.
Depuis la fin des années 1990, Sevignac travaille et fait des recherches en ethnologie du travail et du management, ainsi que sur les sciences humaines et sociales. Ses recherches portent aujourd’hui en particulier sur la gamification ou la ludification du travail et l’importation des structures du jeu et d’un cadre ludique dans les pratiques et techniques managériales. Elle s’est fait connaître en France grâce à son travail de terrain au cœur de start-up spécialisées dans le secteur des multimédia et d’internet durant 5 ans.
Observer ces entreprises de la dite « nouvelle économie » m’a permis d’investiguer notamment les fonctions, les effets et les limites d’une ludification du travail ou ‘fun work management’.
Ainsi, Emmanuelle Savignac questionne le sens et l’efficacité des jeux et donc de l’utilisation de la gamification dans un cadre professionnel en entreprise dans ses derniers livres publiés en 2017, tels que La gamification du travail : l’ordre du jeu et Le travail de la gamification. Enjeux, modalités et rhétoriques de la translation du jeu au travail en collaboration avec Yanita Andonova, Pierre Lénel, Anne Monjaret et Aude Seurrat.
Les différents auteurs de ce dernier ouvrage sont tous des spécialistes des organisations et du travail, issus aussi bien des sciences sociales que des sciences de l’information et de la communication. Et les recherches effectuées par Emmanuelle Savignac et ses collègues les ont donc amenées à s’intéresser à l’intérêt de l’utilisation du jeu en entreprise et leur importance croissante dans les pratiques d’apprentissage et de gestion d’aujourd’hui.
Qu’apprend-t-on de la gamification au travail ?
Ce sont entre autres les structures et mécanismes de jeu, leur forme et leur intégration au sein d’une entreprise et d’une organisation de travail qu’Emmanuelle Savignac étudie. Cette approche volontairement critique la gamification en milieu professionnel interroge ainsi autant le sens et les fonctions que l’efficacité de l’utilisation de la gamification en entreprise.
Ainsi, en se basant sur l’observation de jeux de rôles et de jeux de simulations, ainsi que sur des entretiens avec ceux qui les mettent en place, Emmanuelle Savignac analyse les mécaniques du jeu propres à la gamification et explique plus précisément la relation entre jeu et travail.
Au cours de sa recherche, elle examine également les raisons pour lesquelles le jeu est utilisé dans le cadre de l’entreprise et étudie l’intérêt pour les managers et les entreprises de mettre en place des stratégies de gamification au travail pour leurs collaborateurs.
Qu’apporte donc l’utilisation du jeu pour le management ? Emmanuelle Savignac explique ainsi que la force du jeu est qu’il entraîne et engage en dédramatisant. La gamification va permettre d’effectuer des actions professionnelles dans un cadre hors du cadre habituel de l’entreprise, en apportant une dimension ludique et plus détendue.
Avec un format et des mécaniques adaptés aux objectifs de performance et de réussite de l’entreprise, couplés à des qualités de légèreté et d’apprentissage, le jeu s’avère ainsi en parfaite concordance avec le développement personnel du salarié et au plaisir à avoir au travail.
La simulation ludique que permettent les jeux sensibilise aussi au droit à l’erreur dans un contexte de fiction. Dans un schéma d’apprentissage et de cadre professionnel, la notion de seconde chance est rarement présente. L’un des intérêts principal du jeu est que l’on peut perdre bien sûr mais on peut surtout recommencer.
Grâce aux jeux, les employés devenus joueurs peuvent ainsi s’entraîner et recommencer pour comprendre et apprendre de leurs erreurs. Cela permet également de laisser parler les esprits créatifs, d’explorer et d’expérimenter des choses qu’on ne pourrait pas faire dans le cadre réel.
Au fond, le jeu ne s’extrait jamais totalement du réel, et ce n’est pas sans effet potentiel sur la suite.
C’est-à-dire que même dans un format de jeu au travail, les actions menées ont des conséquences dans le réel professionnel mais aussi personnel, et peuvent ainsi servir aux différents objectifs et stratégies d’entreprise. L’entreprise aurait alors tout intérêt à investir dans le jeu pour améliorer l’attention, la motivation et l’engagement des employés dans un contexte d’intensification du travail ou de télétravail par exemple.
Importer des mécanismes de jeu ludiques au sein d’un environnement de travail est donc un procédé courant dans les entreprises du monde entier de part leurs nombreux avantages, que cela soit sous la forme de Serious Games comme de jeux de rôles, de jeux de simulation et de jeux de plateaux ou encore de jeux de réflexion et de stratégie.
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